mercredi 17 février 2010

Jean Bouchard d'Orval



LES DROITS D'AUTEUR DE LA VIE

Chaque fois que la vie se donne en devenant une quelconque forme, en quelque sorte elle pousse son expérience encore un peu plus loin que la dernière fois. Cela me semble des plus évidents quand un être humain est conçu et naît. Il semble, en effet, y avoir une sorte de récapitulation de tout ce que la vie sur Terre a été depuis son apparition, il y a plusieurs milliards d'années. Depuis les premiers moments de notre conception, nous parcourons, en accéléré, les grandes étapes de la vie sur Terre.

Ainsi, nous sommes d'abord un organisme unicellulaire. Puis, nous devenons un organisme multicellulaire invertébré dans un milieu aqueux. Dans le prolongement de la colonne vertébrale, il nous pousse même une queue, comme les animaux aquatiques et amphibies et cette queue-là se résorbe plus tard. D'ailleurs, au début de leur croissance nos mains ressemblent étrangement à des nageoires, ou du moins à des membres palmés. La partie du cerveau qui se développe en premier est le cerveau dit «reptilien», qui régit les instincts et le sens de l'odorat (d'où la puissance incroyable des souvenirs olfactifs en nous). La dernière partie à se développer est le cortex cérébral frontal, qui est le dernier à avoir donné le ton sur Terre: c'est lui qui, avec sa complexité, permet d'actualiser la réflexion sur soi, la conscience de soi. Si nous examinons l'arbre généalogique de l'espèce humaine à travers les milliards d'années d'évolution terrestre, nous distinguons à peu près les mêmes étapes que parcourt l'être humain entre sa conception et sa naissance.

C'est seulement au moment de la naissance que nous devenons des animaux terrestres et aériens. À ce moment, très peu de choses nous distinguent — dans notre comportement — des bébés des animaux, qui, à bien des égards, sont beaucoup plus fonctionnels que nous à cette étape. Les différences apparaissent avec l'apprentissage de l'enfant. Les humains ont fini par émerger en apprenant, en jouant, en essayant des choses, en faisant des erreurs. Tout ce que nous reconnaissons comme spécifiquement humain apparaît vraiment après la naissance: langage, création d'images du monde et surtout de soi-même, capacité d'abstraction, référence à un système espace-temps, d'où capacité de projeter des formes dans l'espace et dans le temps, donc de planifier, d'imaginer, de «créer». La notion de compassion émerge consciemment aussi à l'occasion, quand l'être humain est distrait au point d'oublier de s'inquiéter pour son petit soi-même.

Ce qui est spécifique à chaque individu prend de l'ampleur au fur et à mesure de l'apprentissage et des premières expériences de la vie. On croit généralement que l'adulte a acquis tel ou tel automatisme à cause de tel ou tel événement vécu durant son enfance. En réalité, les événements significatifs de notre enfance sont appelés à venir par une sorte de mémoire subtile et puissante, faite de désirs, de peurs et d'impressions diverses forgées en d'autres incarnations. Ces événements doivent arriver, comme pour remettre l'individu actuel au point où l'ancien (l'incarnation précédente) était. Plusieurs particularités du corps (formes du visage, cheveux, forme de la tête, des mains etc.) reflètent exactement ce que l'individu antérieur était. Il y a parfaite continuité à ce niveau, même s'il est, à proprement parler, faux de croire qu'un même individu transmigre d'un corps à l'autre, comme la croyance populaire le voudrait. La forme des divers éléments du corps ne vient absolument pas au hasard; cela actualise une «idée», une mouvance, un courant d'énergie. C'est cela qui fonde la science ou l'art de la physionomie; non pas seulement celle du visage, mais de tout le corps. Les formes et les traits du visage et du corps permettent de distinguer les «tendances lourdes», du moins lors de la conception. L'évolution se poursuit sans cesse, bien sûr. S'il y a des caractéristiques qui ne peuvent guère changer, dans le cours d'une incarnation, d'autres, plus subtiles, se modifient sans cesse.

Mais derrière cette mouvance de vie, la réalité, la vérité profonde, est qu'il n'y a pas d'individu. C'est simplement un courant d'énergie qui se propage en écho, d'une vie à l'autre, et nous, en tant que Pur Regard, sommes conscients de tout cela, nous sommes tout cela.

Finalement, la vérité est que c'est la Vie qui vit ce que nous appelons notre vie, et non pas nous, au sens où nous l'entendons généralement, c'est-à-dire cette image de soi-même. La tranquillité profonde vient en reconnaissant clairement notre façon de constamment nous approprier l'Œuvre au nom de ce que nous ne sommes pas. C'est alors seulement que l'Immensité que nous sommes peut donner le ton dans «notre vie». La beauté est que nous sommes cette Immensité ici et maintenant.




1 commentaire:

perpetua a dit…

très intéressant cette vision de nous même