mardi 30 novembre 2010

Ma Anandamayi





La vision par excellence, c'est celle qui, une fois vue, ne laisse plus rien à voir et fait s'éteindre même le désir de voir.

***
La vie à la maison en elle-même peut être un ashram.
***
Vous cherchez à apaiser le manque par le manque. c'est pourquoi le manque ne disparaît pas, et le sens du manque non plus. Quand l'être humain s'éveille à la conscience aiguë du manque, c'est alors que le questionnement spirituel devient authentique. Vous devez garder présent à l'esprit que ce n'est que lorsque le sens du manque devient sens du manque de connaissance du Soi que la Quête réelle débute.
*
Ayez une intensité intérieure aussi vive que celle d'une personne s'enfuyant d'une maison en flamme.

vendredi 19 novembre 2010

Lee Lozowick


Lee Lozowick a tiré sa révérence....


Nous avions invité Lee à Bordeaux il y a une dizaine d'années, une belle rencontre intense et inoubliable, 3 jours de beaux et bons moments.... Lee est décédé cette semaine,
 il est inhumé aujourd'hui en Arizona, une pensée pour lui...


La biographie de Lee vu sur le site supervielle



LEE LOZOWICK

 Ascèse, ashram, et rock'n roll
Né à Brooklyn (New York) le 18 novembre 1943, Mr. Lee fut découvert par Yvan Amar et révélé par Gilles Farcet dans son livre L'homme se lève à l'Ouest. Lee Lozowick a grandi au sein d'une famille unie et chaleureuse où l'on échangeait des propos intelligents et tout en finesse. Très marqué par son père, Louis Lozowick (un artiste peintre dont le Metropolitan de New York possède plusieurs toiles), Lee le dépeint volontiers comme un homme très sage et spirituel bien qu'il ne fût affilié à aucune Église, ni ne se réclamât d'un quelconque credo ou système. Un jour où le jeune Lee interpellait son père à propos du divin et ce qu'il pensait de Dieu, son père lui répondit : « En ce domaine, c'est à chacun d'en arriver à ses propres conclusions. » Il refusa de lui dire quelles étaient ses convictions. Mais peu à peu, avec l'âge et la maturité, Lee va percer à jour la profondeur de la vie spirituelle de son père, en l'observant et en le regardant vivre.
Après un bref cursus universitaire pour devenir ingénieur chimiste, Lee Lozowick opte pour des études commerciales. Diplômé, il n'utilisera jamais ses compétences sur le marché du travail, hormis pour vendre des timbres de collection. Vers l'âge de 20 ans, il s'intéresse passionnément à un cours de développement personnel appelé le silva mind control. Fort de cet apprentissage, il s'engage véritablement pour étudier cette méthode et part suivre une formation au Texas, avant de revenir l'enseigner dans le New Jersey. Après plusieurs années d'enseignement de cette technique et après réflexion, il décide de l'interrompre car il en perçoit non seulement les avantages mais aussi les limites.
En juillet 1975, Lee Lozowick était un homme d'affaires prospère, d'une trentaine d'années, habitant dans le New Jersey, où il poursuivait une vie spirituelle et enseignait la méditation. Un matin, après une nuit extraordinaire et profonde de prière invocatrice, il s'éveilla pour se découvrir dans une condition qu'un certain nombre de traditions spirituelles appellent « éveil » ou « réalisation » au sens mystique et traditionnel du terme. Il prend alors conscience au-delà des illusions de la véritable nature du réel. II découvre un état de conscience inchangé. Non seulement il se maintient, mais il se développe. À ce sujet, Mr. Lee s'accorde volontiers pour dire qu'il n'y a pas de limites au développement de cet état de conscience et qu'en fait l'éveil constitue le début de la véritable évolution humaine. Après cette transformation intérieure radicale, des élèves qui avaient étudié la méditation avec lui depuis un certain temps se regroupèrent autour de lui et devinrent ses premiers disciples. La Hohm community venait de voir le jour, mais ce n'est qu'en 1980 qu'elle s'implante, au nord du désert de Sonoran, prés de Prescott en Arizona.
C'est en 1970 qu'il rencontre, en Inde, celui qu'il désigne comme son maître spirituel : Yogi Ramsuratkhumar (voir bibliographie). Au début, celui-ci ne semble pas attacher le moindre intérêt à recevoir ce jeune américain, très déterminé, qui fait le pied de grue devant sa porte. Ce n'est qu'en 1976 qu'il accueillera Lee à bras ouverts, le faisant s'asseoir à côté de lui en permanence durant son séjour, en signe de bénédiction et de reconnaissance.
Lee Lozowick utilise tous les aspects de la vie, du rock'n roll au théâtre et à l'art en passant par une éducation consciente des enfants, une pratique régulière de la méditation et un régime alimentaire végétarien, les considérant comme les éléments vitaux d'une discipline spirituelle. Lee travaille avec ses élèves dans les détails les plus courants de l'environnement de la communauté afin de créer une culture capable d'exprimer une certaine maturité de vie spirituelle, une relation objective avec les choses et les événements et une adoration du divin pouvant se manifester librement dans les dimensions quotidiennes de la vie ordinaire. Dans cet état d'esprit, il créa en 1967 un groupe professionnel de musique rock, Liars, gods and beggars (menteurs, dieux et mendiants), qui donne des concerts aussi bien aux ÉtatsUnis qu'en Europe.
Parce qu'il souligne à quel point il est important de pratiquer et de s'abandonner à la volonté de Dieu, Mr. Lee s'est gagné la réputation internationale d'être un maître capable de dénoncer à la perfection le mythe du New Age, si populaire en Occident, qui vante l'illumination facile et rapide. Selon lui, elle n'a aucune valeur contrairement à cette transformation spirituelle radicale et absolue de l'individu qui ne devient possible que lorsqu'il vit dans un contexte de référence à Dieu et non plus dans un contexte de référence à soi.
Depuis 1980, la Communauté du Hohm s'est étendue au-delà de l'ashram de l'Arizona dans un certain nombre de centres aux États-Unis, en Allemagne, en Inde et en France, à Anglès-sur-l'Anglin, près de Poitiers.

Texte de Lee Lozowick



L'acceptation :


Certains d'entre vous pensent certainement qu'ils acceptent ce qui est parce qu'ils ne peuvent le nier, mais ils ne l'acceptent pas pour autant. Dans votre mental, vous dites : j'accepte ce qui est, oui, oui, oui, mais je ne veux pas que ce soit comme ça, je voudrais que ce soit autrement. Par exemple : je fais tel métier, je gagne tant d'argent et j'habite dans telle maison, c'est ce qui est et je (accepte pleinement mais je n'aime pas ce travail, j'aimerais gagner plus d'argent, je n'aime pas cette maison, j'aimerais vivre ailleurs. Cela, c'est voir ce qui est mais ce n'est pas (accepter. Je peux tenter de modifier la situation mais, pour l'instant, ici et maintenant, c'est ainsi. Un aspect de l'acceptation, c'est l'absence de plaintes, l'absence de jugements. Voyez par vous-mêmes : au fur et à mesure que nous vieillissons, des petites douleurs commencent à apparaître, le dos devient moins souple, on entend ou on voit moins bien. Souvent, tout cela est incontournable et nous pensons que, simplement parce que nous admettons qu'on ne peut rien y faire, nous (acceptons. Extérieurement, nous disons: « Tout le monde vieillit, c'est comme ça » mais, en fait, nous sommes furieux, nous détestons ces handicaps, alors que (acceptation de ce qui est, tel que c'est, sous-entend par définition l'équanimité. Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas changer les choses mais que, les choses étant ce qu'elles sont, nous les acceptons et que, si elles changent pour le meilleur ou pour le pire, nous l'acceptons aussi. Il y a donc une distinction très importante entre percevoir ce qui est et accepter ce qui est.
  Extraits de Oui et alors ? de Lee Lozowick, ed. La table ronde, p.43



La vie


La vie prend certains détours. La vie est bien plus vaste que nous et c'est vraiment dans l’ordre des choses que d'accepter l’inévitable. Je ne parle pas de l’inévitable dans l'avenir mais de l'inévitable maintenant. L'avenir, nous ne le connaissons pas et parler d'inévitable quand il s'agit de l’avenir, c'est vraiment pure imagination. Le futur n'est prévisible que dans la mesure où nous ne sommes pas prêts à accepter le moment présent. Pour la plupart d'entre nous, l'avenir est inévitable parce que notre passé a défini notre existence et que nous ne faisons rien par rapport à cela. Si notre névrose est une névrose d'échec, nous pouvons être certains que nous allons échouer dans l'avenir. Tant que nous sommes dans le déni, tant que nous résistons, que nous réagissons au lieu d'accepter ce qui est, le futur est extrêmement prévisible : la même chose va se répéter encore et encore. Notre existence peut changer mais notre réaction va être la même à chaque fois où que nous soyons. Vous avez déménagé après avoir vécu à l'étranger mais il est probable que vous auriez rencontré là-bas les mêmes difficultés que celles que vous rencontrez en France et que vous auriez réagi de la même façon. Ce qui peut tout changer, c'est la manière d'accepter les choses telles qu'elles sont parce qu'alors l'avenir n'existe pas. Même l'instant suivant n'existe pas : quand l'instant suivant vient, il est toujours maintenant. Dans cette optique, tout est possible et le vieux scénario prévisible ne se répète pas. Arrêtez de prétendre que vous êtes plus grand(e) que la vie et cessez d'être frustré(e) parce que la vie ne suit pas vos ordres.
Parfois on a fait tout ce qu'il fallait faire et néanmoins la vie ne répond pas. Ce n'est pas la peine de se demander si on s'y est mal pris car là n'est pas la question. On peut avoir fait tout le nécessaire mais peut-être n'était ce pas le moment opportun ou y a-t-il une cause que nous ignorons. Travaillez donc avec votre existence telle qu'elle est. Souvent, c'est l'attente elle-même qui éloigne la réalisation. Si vous vous contentez d'être un avec ce qui est, avant même de vous en apercevoir vous aurez déjà obtenu ce que vous vouliez depuis toujours. C'est comme si, dès que vous arrêtez de tendre vers quelque chose, cette chose vers laquelle vous tendiez vous tombe dans le giron.
Extraits de Oui et alors ? de Lee Lozowick, ed. La table ronde, p.173



La pratique


Quelle importance cela a-t-il de savoir pourquoi ces larmes coulent ? La formule de la pratique, ce n'est pas « acceptez ce qui est tel que c'est, à partir du moment où vous savez pourquoi c'est ainsi ». La pratique, c'est simplement « acceptez », que vous sachiez pourquoi ou pas. Vous n'avez pas à comprendre pourquoi les choses sont comme elles sont ou d'où cela peut bien venir. Si cela se révèle, très bien et, si cela ne se révèle pas, peu importe, ça ne change rien à l'acceptation. Le mental veut toujours chercher, découvrir, trouver des raisons, il veut du rationnel, du linéaire mais la vie n'est pas tout le temps rationnelle ou linéaire. Le centre de la pratique, c'est l'acceptation. « Ce qui est » n'a pas de définition, c'est simplement ce qui est.
Extraits de Oui et alors ? de Lee Lozowick, ed. La table ronde, p.176



dimanche 14 novembre 2010

Denis Marie


De la tête au cœur


Se lâcher dans l’instant, c’est comme sauter dans le vide ou plonger dans l’océan. C’est une immersion, un engagement total. C’est cette “entièreté” qui, enfin, complétera notre démarche spirituelle.
Notre tendance est de nous préserver, de conserver une base de repli. Tous les jours, d’année en année, nous répétons, nous simulons un “pas” que nous ne franchissons jamais. Nous avons peur de tout perdre en nous abandonnant à l’Ouverture et au Vivant. Cependant, ne sommes-nous pas déjà perdus dans notre illusion, en proie au doute et aux incertitudes ?
Le cercle représente la limite symbolique dans lequel nous nous cantonnons. L’illusion c’est de croire en son pouvoir. Sinon, nous verrions que la plage sur laquelle il est dessiné est la même à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Lecture des signes

Par moment, il y a des vents qui nous agitent à travers la pensée et les émotions. Pourtant, ceux-ci ne peuvent réellement remettre en cause notre stabilité fondamentale. “Quand le drapeau s’agite dans le vent, il ne bouge pas.”(*) Il ne s’écarte pas de sa nature de drapeau. Il conserve son identité. Il ne devient pas “autre chose”.  Ces manifestations, ces expressions, bonnes ou mauvaises, attestent l’Être qui se trouve à l’origine. Elles ne peuvent en aucun cas le remettre en cause. N’y voyez pas une menace, mais, au contraire, une confirmation.
* Koan zen
(Le mouvement au sein de l’immuable, chapitre 4, page 46)

Plonger dans le “Grand Bleu”


Il y avait dans ce reportage à la TV, une religieuse qui témoignait à propos de sa pratique. Parlant de la prière, elle disait : « Prier, c’est plonger en Dieu. » Cette formule m’a beaucoup frappé. Ce qui est intéressant, c’est le caractère actif et déterminé de la démarche. Dans ce cas, ce qui est mis en avant n’est pas un “abandon” ou une méditation “passive”, comme il est souvent question. Il est probable que ce soit le Moi illusionné qui, au départ, s’élance dans l’aventure. Mais qu’importe, l’aspect entier et abrupt de la “descente” la rend redoutable. Au minimum, on ressort “mouillé” et “rafraîchi”. Ces plongées dans l’absolu se font à la mesure de notre soif. Elles vous laissent une saveur qui vous transforme à jamais.

Notes
1/ Il y a des “faires” qui prolongent l’illusion et il y en a d’autres qui permettent de la dépasser.
Nous savons aussi que le “ne pas faire” peut également devenir un “faire”.
Bien que “fond” et “forme” soient un, du point de vue illusionné nous sommes enclins à les opposer.
Nous pensons que la “forme” créer un problème avec le “fond”. J’ai parlé de la dualité dans plusieurs billets, comme dans “Château en sable”.
Il n’y a pas de réelle dualité, mais une croyance en une séparation en un second. C’est pour cela que vouloir agir contre revient souvent à la renforcer.
Pour invalider cette croyance, il y a une attitude (une sobriété) qui consiste à ne pas la conjuguer, à ne pas l’alimenter de façon qu’elle s’épuise et que le jeu tombe, révélant ainsi la Nature absolue.
La seconde approche, plus active, consiste à “dépasser” la forme pour contacter le fond. Intellectuellement, nous savons que la forme est le fond et que le fond est la forme. Il s’agit d’utiliser la forme comme d’un tremplin. Le tremplin appartient au relatif, à la terre, cependant, il a la capacité de nous pousser vers le ciel, vers l’absolu. “Plonger” dans ce cas, est une forme absolue, une “forme tremplin”, qui nous permet de nous élever au-delà des croyances, de les invalider.

L’humour du “jeu”


imageC’est la vérité qui libère, pas “l’histoire”.
Il nous arrive d’aborder notre démarche spirituelle comme une sorte de challenge, comme une lutte contre l’illusion. Nous appuyant sur une certaine technicité et une volonté farouche pour mettre en œuvre certains principes… Il est important de bien comprendre que l’illusion n’est qu’illusion. Ce qui veut dire qu’elle n’existe pas, qu’elle est en nature aussi vide qu’un reflet. Toute action que nous dirigeons sur elle, lui donne du pouvoir, ne fait que renforcer son apparente solidité. Ainsi, le jeu duel est maintenu.
C’est dans l’adhésion naturelle et confiante en la perfection et en l’unité de la Nature, de la Présence, que la libération s’actualise. Elle se dérobe, lorsque s’exerce la moindre lutte, lorsque nous continuons de croire en la moindre de nos histoires, dialogues et “tricotages” avec le mental.
Il est difficile de comprendre que nous n’ayons pas à “faire quelque chose”. Aussi, entendez cette expression “ne pas faire” comme le fait de ne pas nourrir ou servir le rôle. Nous sommes semblables à des comédiens sur la scène de la vie. C’est par la croyance en notre jeu que nous sommes identifiés au personnage et prisonniers du décor. La façon d’y échapper est de ne plus investir et tenir dramatiquement le rôle. Plus directement, c’est Voir et admettre que tout ceci n’est pas vrai. Nous restons libres d’agir et d’occuper avec humour notre place dans le monde évanescent, voyant comme un rappel qu’à la fin de chaque acte, ainsi que chaque soir, le rideau tombe
.


vendredi 12 novembre 2010

Jean Klein


Photo de Jean Klein




Jean Klein




Transmettre la lumière


« Un fonctionnement sans intervention »
Entretien à Londres, 1989
Docteur Klein, pouvez-vous nous parler de l'état physiologique du corps quand on se trouve dans l'écoute? Quand l'objet revient à la vision, sommes-nous dans une détente profonde?
Le corps doit être complètement libre de toute anticipation et de toute attente, libre de tout relent de passé. Il doit être complètement détendu. Aussi, pour parvenir à une compréhension, à une expérience d'écoute, nous devons d'abord prendre notre corps comme un objet d'observation. Au moment où nous prenons notre corps comme un objet d'observation, nous voyons que nous n'avons connaissance que de certaines parties de notre corps et qu'il peut être extrêmement ardu de percevoir la totalité de notre corps. Dans ces parties, il y a contraction, lourdeur et réaction. Aussi au moment où notre corps devient un objet d'observation innocente— et par innocente je veux dire que l'observateur est libre de toute attente, libre de toute mémoire— alors, dans cette observation innocente il n'y a nulle place pour un «je», pour un «moi», qui sont à l'origine des réactions et de la lourdeur. Il n'existe plus désormais de complice pour maintenir des contractions dans le corps et elles disparaissent. Nous parvenons ensuite à un ressenti global de notre corps, une sensation de vacuité. Ce que nous appelons observation inconditionnée, regard innocent, concerne un corps affranchi de toute impulsion de prendre, de saisir.
Quand nous écoutons réellement, sommes-nous libre de toute tension?
Oui, dans cette écoute du corps, toute tension s'évanouit et nous parvenons à un corps inconditionné. Vous vous libérez de tous les résidus du passé. Dans l'observation innocente, il y a acquiescement. Vous ne pouvez jamais observer quelque chose, quand vous ne l'acceptez pas; il doit donc y avoir, en premier, acceptation. En acceptant votre souffrance, votre souffrance se modifie. Seul un objet peut éprouver de la souffrance, et vous n'êtes pas l'objet, vous en êtes l'observateur. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de souffrance mais elle est réduite à son aspect le plus simple, le plus fonctionnel. Quand vous résistez psychologiquement, vous êtes un complice de la souffrance. C'est seulement en acceptant que le corps se prend en charge, parce que l'origine du corps est la santé, l'origine du corps est la perfection.
Docteur Klein, pouvez-vous dire quelque chose à propos de tout ce que nous voyons comme une projection?
Généralement nous pensons qu'un objet existe hors de nous-même, qu'il a une existence indépendante, mais c'est seulement une croyance. Ce n'est basé ni sur une expérience ni sur un fait. Le prétendu objet qui serait à l'extérieur de nous a besoin de la conscience pour être perçu. La conscience et son objet ne font qu'un. C'est vous qui créez, projetez le monde d'instant en instant. Quand le corps s'éveille le matin, au même instant le monde s'éveille. Vous projetez le monde; c'est bien vous qui créez le monde d'instant en instant.
Est-ce que vous voulez dire que l'action crée le monde tel que nous le voyons, de telle sorte que lorsque je m'éveille le matin et que je vois la chambre et ce qui s'y trouve, la chambre existe seulement quand je m'éveille?
D'abord, quand vous vous éveillez, vous ne voyez pas la chambre, vous ne voyez que votre mémoire. Vous voyez un angle du plafond et vous dites: «Je suis dans une chambre», mais c'est seulement la mémoire que vous projetez et que vous appelez chambre. Votre vision n'est que fragmentaire. Ce que vous nommez votre environnement est constitué par au moins 80% de mémoire. Quand votre écoute est globale, chaque instant est neuf, sinon il ne s'agit que de répétition. Aussi longtemps que durera le réflexe de vous prendre pour quelqu'un, vous ne verrez que des fragments, et le regard que vous porterez sur votre environnement ne pourra être que fragmentaire. C'est la vision fragmentaire qui crée un problème; sinon il n'y a pas de problème. C'est vous seul qui créez le problème.
Est-ce que cela veut dire que toute relation sera entachée d'un problème?
Absolument. (Rire)
Parce qu'une véritable relation est une non-relation. Par non-relation, j'entends: «Etre libre d'être quelqu'un». Quand vous vous prenez pour une personne, vous ne pouvez voir qu'une personne. Mais quand vous vivez dans l'absence de tout ego, vous ne pourrez voir chez autrui, que l'absence de la personne. C'est dans cette non-relation que se trouve la véritable relation; sinon, il n'y a qu'une relation d'objet à objet, de personne à personne, et c'est une source de conflit. Quand vous vous prenez pour une personne, vous vivez dans l'insécurité, étant donné que cela demande un effort pour maintenir en vie la personne, car la personne ne peut exister en dehors de situations: elle est constamment en défense contre l'absence de situations. Enormément d'énergie est gaspillée dans la création de situations, c'est-à-dire dans la création d'une fausse continuité.
Comment se débarrasser de la personne?
Voyez que vous vous prenez pour quelqu'un.
Voir est très facile, mais s'en débarrasser est très difficile...
Voir n'est pas prendre mentalement note, cela implique que vous voyiez avec autre chose que votre seule pensée, que vous constatiez comment la vision agit sur vous. Vous devez donner du temps à la vision. Après avoir pris note, ne vous précipitez pas, mais habitez la vision assez longtemps pour prendre conscience de la manière dont elle a agi sur vous. Quand vous voyez que pendant quarante-deux ans vous avez créé une personne et que tout ce qui gravite autour de vous a été vu selon l'optique d'une personne de quarante-deux ans, il se produit un choc. Prenez note de ce choc. Il est considérable. C'est en le percevant réellement qu'il y a transformation. C'est seulement cette sorte de vision qui possède le pouvoir de transformer. Sinon il n'y a que changement, et le changement n'est pas une transmutation. Voir réellement quelque chose est une transmutation. C'est une sorte de réorchestration de toute votre énergie. Ensuite vous serez libre un jour de la personne, et là, dans votre absence, se trouve la joie seule
Ainsi donc, si nous ne percevons pas véritablement quelque chose dans notre corps, cela signifie que nous ne l'avons pas vu?
Précisément.
Il est évident pour moi que jusqu'alors, voir n'a été qu'une idée, mais le moyen de savoir que nous avons vu c'est quand il y a cette perception dans le corps lui-même...
Oui, cela doit être perçu. Le perçu est senti, ce n'est pas un concept.
Quand les perceptions directes demeurent intellectuelles, que l'on pense: «Je la vois, je la sens», mais que cette manifestation ne se passe pas sur le plan global du corps, comment faire pour ramener la perception directe au niveau global? Comment faire pour réellement sentir quelque chose si les nombreuses perceptions directes que nous avons demeurent plus ou moins dans la pensée?
Je dirais que vous devez attendre, attendre que le connu se soit complètement résorbé dans la non-connaissance. Si, pour comprendre un objet, vous regardez un autre objet, le savoir reste dans le domaine du déjà connu. Mais quand vous posez la question: «Qui suis-je? Quelle est ma vraie nature?», toute représentation doit s'être déjà complètement dissoute dans l'être.
Ainsi nous pouvons nous dire: «J'ai eu une perception directe, mais elle n'a pas changé ma vie, elle est purement intellectuelle», et ensuite nous devons revenir à cette perception physique, au lâcher-prise et à la détente?
Oui, quand vous disposez d'une représentation globale claire, elle agit sur vous, elle agit sur la totalité de votre corps.
Comme quand on devient soudain conscient d'une tension et que la tension disparaît?
Bien sûr, si vous allez chez un psychanalyste, il vous dira que le relèvement de l'épaule est une réaction psychologique. Mais ceci n'est qu'une explication. Pour réellement comprendre la tension, vous devez sentir votre épaule; votre épaule doit être une sensation. Vous écoutez la sensation et vous observerez alors que votre épaule tombe, de plus en plus bas, et finit par atteindre sa position juste. Vous verrez que lorsque votre épaule est complètement relâchée, vous serez libre de toute angoisse. Aussi n'est-il nullement nécessaire de savoir pourquoi l'épaule s'élève. Il est seulement besoin de noter le moment où elle se relève, et elle s'abaissera naturellement. C'est une expérience organique. Une fois que vous aurez expérimenté la position juste, vous en aurez la mémoire organique et aussitôt vous percevrez la différence entre une épaule relâchée et une épaule relevée. A partir du moment où vous voyez que, chaque jour, vous vous prenez pour quelqu'un, que vous vous identifiez à votre intelligence, à vos capacités, à vos talents, à votre personnalité, et que vous affrontez le monde et votre entourage du point de vue de cette personnalité —quand vous voyez réellement quel non-sens il y a de vous prendre pour quelqu'un que vous n'êtes pas réellement— alors cette personnalité disparaîtra, vous pouvez en être certain. Un jour vous serez libre de l'ego, soudainement libre; être soudainement libre de l'ego, c'est une illumination subite. Mais quand cela se produit, prenez-en note sans interpréter, sans chercher à justifier. Quand la pensée entre en jeu, vous ne pouvez jamais parvenir à une transformation; ce n'est pas la pensée qui voit, c'est la conscience. C'est un séisme extraordinaire quand vous voyez, pour un instant, que vous vous êtes pris pour M. Smith ou M. Dupond pendant quarante-deux ans, que votre personnalité est une totale fabrication, un néant, une ombre! C'est un extraordinaire séisme!
Et après, Dr Klein?
Après cela, vous vous goûterez quelquefois vous-même dans votre absence. Vous percevrez réellement votre véritable présence dans cette absence...
Vous avez parlé du relâchement de l'épaule à titre d'exemple, et l'on observe de pareils phénomènes quand on relâche la pensée. On remarque un point où l'on se décharge d'une quantité de choses mais il y a une peur fantastique d'éliminer l'ultime petit morceau. Il y a encore le désir de connaître, et ce désir arrête cette élimination. Pourriez-vous nous parler de cela?
Vous ne pouvez jamais séparer la pensée du corps, le corps de la pensée. La peur et l'angoisse que vous ressentez quelquefois, c'est dans votre corps-pensée que vous les percevez d'abord; mais quand vous les sentez, vous les transposez ordinairement sur un plan conceptuel et vous dites: «Je suis dans un état de peur". Dire cela, c'est faire intervenir la mémoire, le concept de peur; vous n'êtes pas en contact avec la sensation véritable. Aussi affranchissez-vous du concept de peur et n'ayez en face de vous que la perception, mais une perception non conditionnée, nue, débarrassée de toute anticipation, de toute attente.
«Non conditionné» semble être le mot clé. Quand il y a un désir permanent de cette réalité supérieure, ce désir fait que la perception est conditionnée, n'est-ce pas?
Oui. Essayez de trouver en vous-même cet état sans désir. Regardez comme le fait un scientifique, sans interpréter, sans comparer, sans justifier. Revenez chaque fois à cette pure perception. Nous en savons très peu sur la perception pure, parce que nous la rendons tout de suite psychologique, nous en faisons une conception. Quand je dis de la voir, cela veut dire la voir sans interprétation, d'être face à elle, à elle seule.
Vous voulez dire sans choix?
Oui, sans choix, sans sélection.
Je veux dire, dans mon cas, qui choisit de venir ici au lieu d'aller au cinéma?
Je n'en suis pas si sûr! ( Rire )
Moi non plus!
J'aimerais que vous scrutiez plus attentivement ce qui vous pousse à venir ici. Regarder la motivation qui vous conduit à venir ici peut considérablement réduire votre consommation d'essence! Vous pouvez faire face à la question immédiatement, dans votre salon. Peut-être est-ce un manque de paix, un manque de bonheur. Si c'est un manque de paix, peut-être pouvez-vous affronter, dans l'instant même, la sensation qui vous rend nerveux. Faites face à la perception à ce moment-là, faites face à l'absence de paix et de bonheur, et vous vous découvrirez vous-même, non dans l'objet, le manque ou la nervosité, mais dans la vision elle-même. Vous êtes le sujet ultime, le sujet de tous les objets. Des milliers et des milliers d'objets existent et changent, mais vous êtes l'unique sujet ultime qui ne peut jamais devenir un objet —aussi, soyez-le; c'est là qu'est votre liberté. Quand vous verrez cela réellement, vous serez frappé par l'évidence qu'il n'y a rien à atteindre, rien à acquérir. Si quelqu'un vous déclare que vous pouvez apprendre quelque chose ou obtenir une perception directe grâce à une technique ou un système, passez votre chemin. Tout cela vous détourne de la vision réelle. Rien n'est à acquérir de ce que vous êtes, parce que vous l'êtes. Tenter de l'acquérir vous en éloigne, car c'est ce qu'il existe de plus proche de vous. Avant que votre corps ne s'éveille le matin, vous l'êtes. Il est suffisant de savoir que les états de veille, de rêve, de sommeil profond sont en vous. Ce qui est derrière tous ces états est votre vraie nature, votre vrai visage; c'est le visage même que vous aviez avant votre naissance, et c'est le visage même qui demeure après votre mort physique. Mais l'important est d'intégrer cela sciemment.
Je ne connais pas ce moment dont vous parlez, avant que la pensée ne s'éveille. Je sens que je vais d'un sommeil profond ou d'un état de rêve inconscient à un état de veille «normal».
Il est des moments où le corps n'est pas totalement corps, où le monde n'est pas complètement monde, aussi restez dans cet effluve de sommeil profond, soyez complètement à l'unisson avec lui. Ne forcez pas votre corps-pensée à travailler ou à s'éveiller, ne forcez pas le monde à être monde. Vous découvrirez, quand vous ferez réellement cela, que la totalité de votre journée conservera le parfum du sujet ultime que vous êtes.
Donc, toute la question est de demeurer avec ce parfum avant que le corps-pensée ne s'éveille?
Oui, mais vous ne pouvez faire intervenir la volonté. Au moment où vous la percevez, restez complètement accordé à cette sensation; vous ne pouvez jamais la garder, c'est elle qui vous garde.
Dr Klein, comment peut-on s'acquitter de ses tâches quotidiennes s'il n'existe ni personnalité ni ego?
C'est dans votre absence que vous percevrez votre réelle présence. Tout ce qui apparaît dans votre vie est comme ce qui se produit sur une scène mais vous ne vous identifiez pas à l'acteur qui est sur scène, vous demeurez simplement dans la salle, vous êtes le témoin. La vraie joie n'a lieu que lorsque vous êtes le témoin de tout ce qui apparaît et disparaît. Alors vos relations changeront complètement, parce qu'alors il n'existe aucune personnalité à laquelle vous identifier. La personnalité est un très bon outil, mais vous ne vous identifiez pas à elle. Vous agissez spontanément, et cette action n'est pas une réaction, elle est en réelle adéquation avec chaque instant. Une action spontanée implique qu'il n'y a ni acteur, ni agent, il y a seulement action. Il n'y a aucune entité dans le cosmos, il y a seulement fonctionnement. Un fonctionnement sans intervention d'une personnalité relève d'un âge nouveau.

Source : Jean Bouchart d'Orval

Ce texte a été publié dans Transmettre la lumièreJean Klein, Éditions du Relié.


jeudi 11 novembre 2010

lundi 8 novembre 2010

Stephen Jourdain en écoutant Hadouk Trio....






- 1 - Quand la pensée brûle ses ailes 
Venant juste de réaliser que la pensée n’atteint jamais qu’elle même !

- 2 – Quand la pensée brûle ses ailes 
Accueillant avec un sourire opalescent la merveilleuse nouvelle
que le « je » qui pense est imaginaire
Rien de plus qu’une supposition faite pour rire !




Stephen Jourdain



dimanche 7 novembre 2010

Éric Baret

Corps de Silence :d'Eric Baret

Sortie ce mois ci chez Almora un livre d'Eric Baret : Corps de Silence
En librairie le 10 novembre
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Quatrième de couverture :
La joie l'absolu sont à reconnaitre ici et maintenant.Cette révélation est l'essence du tantrisme cachemirien. Sa mise en pratique est l'objet de la tradition telle que transmise par Jean Klein à partir des années soixante.
Ce livre souligne souligne les bases shivaïtes de cet enseignement, ainsi que ses échos dans l'islam d'Ibn Arabi et la mystique rhénane. Tout en gardant son ancrage dans la tradition, cette résonance s'actualise dans tous les aspects de la vie quotidienne. Elle en souligne la beauté et  la liberté inhérentes : tout est prétexte à cette reconnaissance.
L'abondante iconographie renvoie directement à cette même révélation où expérience esthétique et compréhension métaphysique vibrent d'un même silence.
Éric Baret a exploré pendant une trentaine d'années la tradition non-dualiste du shivaïsme cachemirien auprès de Jean Klein.Il a déjà publié chez Almora Le seul désirLe sacre du dragon vert et Les crocodiles ne pensent pas.
Le présent ouvrage est l'approfondissement de la première partie de Yoga, corps de vibration, corps de silence, aujourd'hui épuisé.
On y trouve aussi  un CD audio contenant 8 entretiens avec Éric Baret d'une durée totale de 75 min.
IMG radha, bronze, 15ème s
Voici la préface de l'ouvrage par Colette Poggi
"Il est des rencontres qui transforment l'existence. Pour Éric Baret, il y eut Jean Klein, et à travers cette personnalité intense et lumineuse, c'est en réa lité toute une famille spirituelle, avec ses maîtres, leur trésor de textes et d'expériences, qui apparut en transparence. La rencontre fut donc décisive car elle suscita un émerveillement, un éveil... elle ouvrit une voie. C'est au fond l'objet de ce livre que de raconter, au fil des chapitres, l'his toire d'une rencontre qui servit de trame à une aventure intérieure. Jean Klein était pleinement immergé dans la lumière de l'Inde, ouvrant ainsi pour ses disciples et compagnons de route de nouveaux horizons spirituel et artistique. Il avait alors eu connaissance des théories véhiculées par le Shivaïsme du Cachemire ; son enthousiasme contagieux a de toute évidence touché E.B. qui a reconnu, en ces écoles cachemiriennes, des résonances avec sa propre expérience.
Qui étaient ces penseurs épris d'absolu qui vécurent au Cachemire entre les VIIIe et XIV ème siècles, laissant à la postérité des œuvres audacieuses portant à la fois sur les voies de délivrance, les moyens de réalisation, et l'expérience esthétique ?
C'est Lilian Silburn (1908-1993) qui la première a exploré, dès les années cinquante, le Shivaïsme du Cachemire ; chercheur au CNRS, elle a publié les traductions d'une dizaine de ses textes fondamentaux en les présentant dans leur esprit originel.
Deux aspects originaux retiennent l'attention :
-la vie quotidienne apparaît comme un champ de réalisation
-l'expérience esthétique peut conduire à la saveur de l'absolu
   L'une des caractéristiques fondamentales des théories cachemiriennes consiste ainsi à considérer l'art comme une voie de réalisation, un mode d'accès au Soi, grâce à l'épanouissement des énergies de la conscience et à la quiétude qu'il confère. Il n'est donc pas étonnant que Jean Klein, découvrant en Inde cette école de vie, ait éprouvé pour elle la fascination dont nous parle E.B., et qu'il ait eu envie de la partager avec ses proches.
Quant à la vie quotidienne comme champ de réalisation, cette vision s'inscrit dans le prolongement de la précédente; tout regard, tout geste portant en lui le miracle de la conscience et de la vie. Mais est-il véritablement possible, emporté dans les flots du samsara, de vivre en accord avec la paix des profon deurs, goûtant la liberté de l'esprit par rapport aux attachements..., et leur cor tège de tensions et de vanités ? La réponse est donnée par Abhinavagupta :
Quand on se libère des différenciations accumulées, l'état de bonheur est une allégresse comparable à la mise à terre d'un fardeau, l'apparition de la Lumière est l'acquisition d'un trésor oublié : le domaine de l'universelle non-dualité.Hymnes d'Abhinavagupta traduit par Lilian Silburn, p.57.
Le shivaïte du Trika peut vivre une existence de maître de maison et s'enga ger dans une voie de libération de ce type, le monde ne présente pas en soi d'entraves; par contre le regard porté sur celui-ci et sur sa propre essence influe sur le processus de la délivrance :
Nous rendons hommage à Shiva, Seigneur suprême manifesté aux êtres réalisés alors même qu'ils demeurent immergés dans les flots de l'existence, Lui que l'on ne peut attein dre que par la conscience de soi !
Commentaire sur la Reconnaissance du Seigneur d'Abhinavagupta, 1.8.
Comme l'évoque E.B., certains auteurs médiévaux en Occident, chrétiens, soufis..., ont eux aussi perçu intuitivement le monde à la manière d'une œuvre d'art. Pour eux la Beauté est « l'éternel dans les choses » ; cette vision guérit, pensent-ils, du désir effréné de l'éphémère. Scot Origène (xe s.) part de la simple perception d'un caillou pour «imaginer » le monde.
Si je considère un caillou, des rayons en jaillissent, qui éclairent mon esprit. Ainsi en est-il de toutes choses... La machine du monde tout entier se présente comme une lumière immense, composée de lampes innombrables, destinées à révéler, (à mettre en lumière), à établir dans la cime de l'esprit les pures beautés des choses intelligibles.
Ce sentiment profond d'apaisement (shânti) et d'unité (aikyam), appelé aussi dans la philosophie indienne «saveur» (rasa), surgit avec la cessation (pro visoire) du sens du moi (ahamkâra).
La visée de l'art dans ce contexte n'est autre qu'une transformation de soi dans le sens d'un accomplissement (samskriti). Il s'agit d'une intégration dans le rythme (chandas) du souffle cosmique, indissociable d'une « mise au dia pason » avec le spanda cosmique. Ce terme dérive de la racine verbale CHAD (couvrir, tenir caché, secret), liée à son autre forme CHAND (se réjouir). Le rythme, selon la théorie indienne de l'art, sous-tend toute forme, toute struc ture, il définit pour chaque chose un mode distinctif, dans la manifestation universelle, de la Réalité primordiale.
Ainsi celui qui contemple l'image avec profondeur, s'il est « vacant », désen­combré, s'emplit de ce rythme, de ce souffle, originel, entre en contact avec le principe même de la vie, et se charge d'énergie spirituelle.
L'émerveillement est comme un bond de l'âme qui unifie soudain l'être entier et le plonge dans un recueillement spontané. Sans ces instants de grâce où l'apparence cède à la transparence, toute pratique, tout acte artistique, rituel... resteraient à la surface d'eux-mêmes, laissant
la plupart des hommes enfermés dans leur corps mortel comme l'escargot dans sa coquille, enroulés dans leurs obsessions à la manière des hérissons, modelant sur eux-mêmes leur idée du Dieu bienheureux. Clément d'Alexandrie
Comme Abhinavagupta et les penseurs cachemiriens, le peintre-lettré chinois, Mi fou, qui avait atteint grâce à son art l'équanimité, savait reconnaître les vraies richesses.
D'un regard perçant, traversant les apparences, il savait déceler ce qui se joue d'unique dans le moment présent, il savait le bonheur de s'attarder sur « l'Océan des mystères », selon la belle image d'Isaac le Syrien.
Il est pauvre mais il n'a pas de chagrin
Il embrasse le printemps du monde dans son esprit
Il est parfois assis dans les forêts
Il se promène parfois au bord des rivières.
C'est ainsi qu'il faudrait entrer dans les pages de ce livre, les forêts de ses tex tes, les rivières de ses images, en laissant ruisseler, en contrechant, les sono rités des mots sanskrits." 
Colette Poggi


mardi 2 novembre 2010

Nicole Montineri


La souffrance est enracinée solidement au coeur de nos existences et nous portons le poids de son fardeau comme si elle était une fatalité. 
Pour desserrer son étau, nous cherchons des réponses à l'extérieur, qui ne servent que le besoin de sécurité de nos ego soumis à la tyrannie de nos désirs. Or nous sommes, le plus souvent, les propres créateurs de notre souffrance, nous sentant exister uniquement dans une attente obsessionnelle d'expériences agréables, nourrie par un bavardage mental incessant. 
Tant que nous vivrons avec une représentation personnelle de la vie, tant que nous vivrons à partir d'une image de nous-mêmes, coupés de ce que nous sommes vraiment, coupés des autres et du vivant, nous serons harcelés par les tourments. Il nous faut parfois de nombreux coups pour que nous acceptions de regarder notre incapacité à accueillir ce qui se présente.
 Un événement est une invitation à pénétrer plus intensément au coeur de la vie. C'est notre esprit qui le colore en jugeant, en résistant. Ainsi, la plupart des événements restent incompris car nous ne regardons pas, avec notre coeur, ce que l'intelligence de la vie nous propose dans chaque fait de notre destinée, cette occasion de reconnaissance de leur source : la conscience, observatrice inaltérable des expériences qu'un moi avide s'approprie à tort.
 Si nous pouvons vivre dans l'attention de cette réalité en arrière-plan, nous sommes alors en permanence dans la paix, traversant avec liberté et légèreté la vie. Les événements perdent leur pouvoir de fascination. Nous jouons leur jeu, explorant avec compréhension et sensibilité le dessein qu'ils dévoilent. 
Si nous quittons cette croyance d'être un individu séparé, si nous pouvons nous ouvrir au vaste espace silencieux qui est en nous, c'est la souffrance qui nous quitte. La vie en soi et autour de soi se révèle alors précieuse.. .
Telle est la joyeuse invitation de Nicole Montineri dans cet ouvrage.


Ed. Accarias L'Originel - Octobre 2010