Karl Renz | ||||||
Qu'est-ce que la réalisation et comment la définis-tu ? Reconnaître spontanément que l'existence précède rien et tout. Sans aucune préparation, en dépit de - et non à cause de - la recherche de la connaissance. La révélation du présent éternel. L'absence du " moi " et donc l'absence de tout concept de séparation et d'union, de naissance et de mort, de Dieu et du monde, de jaillissement et de disparition, etc. L'absolu est conscient de lui-même, c'est pourquoi il est ce qui est. Pure connaissance de Soi, en découvrant que tout ce qui peut être connu est une fausse connaissance. La disparition définitive du temps et de tout ce qui paraît s'inscrire dans le temps. Et cela s'applique également à ce que je viens de dire sur la libération, la vérité, etc. Ces descriptions ne font qu'indiquer ce qu'il n'est pas nécessaire de connaître ou de réaliser pour être ce qui est. Et c'est ce que tu es : l'Etre absolu, éternellement harmonieux.
Déjà enfant, j'avais observé une totale dichotomie dans mes expériences. Je me sentais tout à fait détaché, en parfaite harmonie avec l'univers, et la minute suivante, je sombrais dans le plus sombre désespoir et je voulais disparaître, mourir. Du bonheur paradisiaque à la tristesse suicidaire. Bien sûr, je ne voulais vivre que les moments agréables. Et ce souhait déclencha la recherche. Non pas de la vérité ou de la libération, vois-tu, mais du bonheur permanent, de l'abolition de la souffrance. Dès le début, ce fut mon but. Ce qui impliquait la recherche de moyens et d'outils appropriés. D'abord le sexe : cette expérience me révéla que la soi-disant petite mort, ou orgasme, est une satisfaction fort passagère, et qui dépend d'un partenaire. Ce n'était donc pas une solution. Puis à travers les drogues, qui peuvent créer un état libre de souffrance. Mais par la suite, lorsque leurs effets s'estompent, il reste encore plus de souffrance. L'affection ou l'amour des amis, de la famille ou d'un partenaire perdit aussi de son sens lorsque je constatai que mon bien-être dépendait de leur comportement. Cela ne résolvait pas non plus mon problème. Puis je commençai à lire des livres ésotériques, principalement sur la religion, les shamans, la magie, etc. Pendant toute une période, je fus fasciné par Castaneda, don Juan et la notion de liberté. Jusqu'à la fin des années 70, où je pris soudain conscience, au cours d'un rêve, que j'étais en train de rêver. C'est alors que je me souvins d'une technique de don Juan qui consistait à observer ses propres mains tout en rêvant. Je soulevai alors mes mains pour les examiner. Tout à coup, quelque chose qui jusque-là avait paru dormant, s'éveilla en moi ; et dans cet éveil, d'abord mes mains, puis mon corps tout entier, commencèrent à se dissoudre. Je reconnus la mort. Et cette constatation déclencha instantanément la peur. Tout d'abord, je me débattis pour sauver ma vie avec une énergie que je n'avais jamais connue auparavant. Une force inexplicable, qui m'apparut comme un vide noir, était sur le point de m'exterminer. Même après m'être réveillé, le combat persista dans mon lit. Ensuite, après ce qui parut durer cinq heures, une acceptation de cette extinction survint brusquement, et ce qui avait pris la forme d'un vide noir se transforma en lumière éblouissante : c'est ce que j'étais devenu. Une lumière brillant de son propre éclat. Après ce qui sembla une éternité, lentement, cette lumière fit place à la perception normale de Karl et du monde. Tout reprit la même apparence qu'avant, mais la perception était maintenant absolument détachée de ce qui était perçu. Une distance et une aliénation totales par rapport au monde. " Ce n'est pas ma maison ", fut la seule pensée. Le " ma " se perdit dans un état sans " je ". Avec l'éveil de la conscience cosmique, le processus de dissolution du concept " Karl " avait commencé. Dans cette prise de conscience où les expériences se révélaient fausses et prenaient l'apparence du rêve, ce n'était qu'une question de temps pour que l'histoire personnelle, et avec elle l'histoire de l'univers, soit consumée par le feu de cette conscience. Ce processus " de la conscience individuelle à la conscience cosmique ", du personnel à l'impersonnel, que l'on appelle illumination, est toujours unique et ne peut jamais être reproduit ni imité. De même que seul existe l'Etre absolu, de même chaque expérience est absolument originale. Pendant une longue période d'une quinzaine d'années, cette conscience impersonnelle fut ma demeure. KO (coma) était devenu OK (amok). J'étais un " rien " ambulant. Totalement identifié avec ce " rien ". Le propriétaire de rien. Le petit " je ", maintenant énorme, étais devenu un rien gigantesque. L'arrière-plan regardant le premier plan comme une illusion. Une illusion en contemplant une autre. Le soi-disant témoin. La sagesse déclarant : " Je ne suis rien ". Apparemment, quelque chose considérait ce non-être comme un avantage, et pour cette raison sourdait une peur subliminale de perdre le privilège de cette clarté. Jusqu'à ce que, au cours des années 90, d'un présent à l'autre, comme un simple coup d'œil, un simple " Ah ! Ah ! ", survienne la certitude absolue d'être ce qui est. D'être ce qui jamais ne peut être, ni jamais ne fut, autre que le Soi. Le Soi existe et il n'existe rien d'autre que le Soi, et cela signifie l'acceptation totale de ce qui a toujours été. Cela signifie la connaissance de Soi, la réalisation du Soi. Que le vécu soit personnel ou impersonnel, l'absolu est toujours le Soi absolu, et n'a jamais besoin d'aucune réalisation. Le Soi est toujours réalisé et ce qui se manifeste comme la conscience dans la réalisation (actualisation de la réalité) ne se réalisera jamais soi-même. C'est dans ce sens qu'il n'y a jamais eu de personne réalisée et donc de nécessité de se réaliser.
Ce qu'il y a de fondamental, c'est que les notions de " mien " et de " tien " n'existent pas et n'ont jamais existé. Ce qui seul et seulement existe ne peut ni vivre ni ne pas vivre. Ce que l'on nomme la vie est en perpétuel changement. Le rêve et ses différents états sont constamment soumis au changement. Ainsi que le corps qui se manifeste dans le rêve, dans le monde, et son comportement. Mais quelle que soit son apparence, c'était, c'est et ce sera toujours ce qui est. Avec ses variantes infinies, la réalisation du " réel " est éternelle. La paix immuable de l'Etre. Et c'est ce que je suis. As-tu eu un maître ? Est-il important d'avoir un maître, un guru ? Quelle est la relation entre le guru et le disciple? As-tu des disciples ? Non, je n'ai pas eu de maître. Pour ce qui ne dépend pas du temps pour être conscient de soi, rien de ce qui s'inscrit dans le temps n'est requis. L'éveil est toujours spontané, sans nécessité. On l'appelle aussi " l'accident divin ". Il se reconnaît en dépit de - et non pas à cause de - tout ce qui va et vient. Ce qui annule la question portant sur ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Le Soi est le seul maître que je connaisse. Il se réalise dans l'oubli comme dans la découverte. Dans ce sens, il est le maître et le disciple, et il se donne constamment des leçons absolues. Le Soi se révèle à lui-même, par son omniprésence, dans le présent éternel. Le disciple surgit avec le maître, de même que la question implique la réponse. A partir d'une absence de désirs, un désir se manifeste dans le temps et se dissout en se réalisant, exactement comme chaque question trouve son salut à travers sa réponse. C'est la loi karmique de la conscience. C'est pourquoi il n'y a ni maître ni étudiants, seulement des questions et des réponses.
C'est exact. Pour être ce que tu es, ni travail ni développement ne sont requis. Toutes les notions de voie, de développement et même de connaissance apparaissent avec la première pensée " je ". Cette première idée crée le temps, l'espace et donc l'univers entier. Tant que cette pensée " je ", qui signifie séparation, dualité, souffrance, apparaît réelle, le désir d'unité existe - et, avec lui, la recherche d'une porte de sortie - afin de mettre un terme à la souffrance. La première pensée erronée, " je ", engendre la fausseté de tout ce qui s'ensuit. C'est pourquoi, seulement par la certitude absolue que l'on existe avant que la pensée " je " ne se manifeste (reconnaissant ainsi le faux comme tel et supprimant par ce moyen la racine de tout problème), peut-on être ce que l'on est. En étant ce que tu es, ou plus précisément, comme tu es, absolu, antérieur à tout et à rien, tous les concepts s'anéantissent.
Existe-t-il quelqu'un qui aurait une relation et la nécessité de se libérer ? Là est la véritable question. Le désir de chaque union (désir d'unité) repose sur la notion de séparation. Ce qui provient d'un mensonge peut-il conduire à la vérité ? Ce qui est dépendant, mort par nature et tributaire du temps, peut-il t'aider à réaliser ce que tu es ? Là où la notion d'unité s'élève, il y a dualité : unir ce qui est séparé ; et tout cela apparaît et disparaît en même temps que la fausse notion " je ". Revenons donc à la véritable question : " Pour qui, et dans quoi, se manifeste le " je" " ?
Réalise que tout est un mensonge, et surtout celui qui reconnaît que tout est un mensonge.
Ils font partie de l'Etre, ou en sont un aspect. Personne ne parle et personne n'écoute. Sans rime ni raison. A la question " pourquoi ? ", il n'existe qu'une réponse : " Pourquoi pas ? "
Ce qui est ne requiert aucune intégration, et ce qui n'est pas ne sera jamais intégré. Reconnais la parfaite réalisation de la réalité et sois ce que tu es. Tout est exactement comme c'est, car l'Etre s'est manifesté de cette manière et pas autrement.
La seule mort possible est celle de l'ego (la notion de séparation). Mais comment ce qui n'existe pas peut-il mourir ? Voilà la question. Comment ce qui n'est qu'une apparence, et ne se laisse appréhender que par les sens, peut-il mourir ? Comment le mensonge de la séparation peut-il disparaître ? Pour quelle raison, ou pour qui, " ce qui n'existe pas " doit-il disparaître ? Seulement lorsque le Soi se reconnaît absolument dans tout ce qui est, car rien n'existe que l'Etre indivisible ; la vérité et rien que la vérité, le Soi et rien que le Soi. Lorsque la vérité ne voit qu'elle dans tout ce qu'elle perçoit, lorsque Cela et seulement Cela est ce que tu es, lorsque le rêve et le rêveur ne font qu'un dans l'absolu. Pour l'absolu, rien ne doit disparaître, car l'absolu est la seule réalité. Reconnaître que l'ego n'est qu'une ombre éphémère dans le présent éternel annihile son apparente réalité. | ||||||
vendredi 19 septembre 2008
Quelques instants avec Karl Renz
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2 commentaires:
Jean-Marc peux-tu me dire à quel livre l'extrait correspond il ?
Le seul livre traduit à ce jour en français:
"Pour en finir avec l'éveil et autres erreurs conceptuelles"
éd. les deux océans
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