Lorsque j’ai présenté ma candidature à la présidentielle de 2002 – vous avez échappé à un tout petit Obama –, j’ai essayé de faire « appel à l’insurrection des consciences ». Je ne crois qu’à cela. Nous sommes dans une période de crise que, stupidement, nous appelons crise financière, alors qu’il s’agit d’une crise humaine, une crise profondément spirituelle. Aujourd’hui, les consciences s’ouvrent. Très bien. Mais quand allons-nous cesser de faire des films, de remplir nos bibliothèques de livres et de revues sur ce monde qui va mal, pour enfin passer à l’action !? Cette pléthore de théories me paraît presque un aveu d’impuissance tant qu’elle ne nous convainc pas de la nécessité d’agir. Or nous sommes au bord du précipice. Récemment, lors d’une conférence à l’Unesco avec Nicolas Hulot, on m’a demandé : « Maintenant, je vais rentrer chez moi, qu’est-ce que je peux faire !? » Certains s’attendaient peut-être à : « Fermez le robinet, éteignez la lumière… »
Nous n’en sommes plus là. Il est vrai que c’est en initiant les plus petites actions que l’on amorce de grands changements. Le minimum n’est jamais méprisable. Mais attention à l’illusion : on peut manger bio, recycler son eau, se chauffer à l’énergie solaire et… exploiter son prochain. Moi, j’ai envie de dire : « Rentrez chez vous, réconciliez-vous avec les gens que vous aimez, dissipez tout ce qui vous est toxique, tout ce qui crée du mal-être et de la souffrance mutuelle. C’est là que se trouve le fondement de l’humanisme que vous souhaitez. » La nécessité, aujourd’hui, est de trouver par où engager un véritable changement. Je suis convaincu de l’urgence d’agir d’abord en nous-mêmes, de revenir à une introspection profonde pour nous situer par rapport au cours du monde. C’est pourquoi j’entretiens une indignation permanente. Je ne veux pas rentrer dans la colère. Je crois plutôt en une indignation à partir de laquelle il est possible de construire le monde dans lequel nous voulons vivre. Sans quoi il continuera sa course folle, et nous continuerons de remettre notre destin entre les mains de timoniers aveugles. En regardant les hommes politiques, je me demande où se trouve la puissante volonté des âmes profondes qui vont définir l’avenir de l’humanité!? Cette puissance est en nous. Nous sommes confrontés au quotidien à des questionnements sur nous-mêmes, sur notre travail, sur l’évolution de la société. Et nous ressentons une grande insécurité. Plutôt que d’en concevoir de la peur, transformons-la en créativité. Je bénis cette incertitude dans laquelle les horizons se brouillent, car elle nous pousse à faire appel à nos lumières, tandis que les certitudes nous endorment.
Pierre Rabhi
1 commentaire:
Intéressant comme réflexion.
Accent Grave
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